Lintelligence artificielle (IA) révolutionne le monde du travail, mais pose également des défis majeurs en matière de dialogue social. Une décision récente du tribunal judiciaire a confirmé que l’employeur ne peut pas mettre en place un projet d’IA impactant les conditions de travail sans consulter correctement le CSE. Décryptage de cette affaire et des enseignements à tirer pour les représentants du personnel.

IA et dialogue social : le CSE au cœur des transformations

 

Une entreprise a intégré un outil dIA pour automatiser certaines tâches et améliorer la gestion des ressources humaines. Ce projet comprenait notamment :

     L’automatisation des évaluations de performances et du recrutement

     L’optimisation des plannings et des flux de travail

     L’amélioration de la relation client par des chatbots

Le CSE, alerté par l’impact potentiel sur l’emploi et les conditions de travail, a demandé des informations complémentaires. L’employeur, jugeant cette consultation non prioritaire, a poursuivi le déploiement de l’outil d’IA sans avis formel du CSE.

 

Considérant cette absence de consultation comme une violation de ses prérogatives, le CSE a saisi la justice pour demander la suspension du projet.


 



 

 

Décision de justice : Le CSE doit être pleinement consulté

 

Le tribunal judiciaire dans une ordonnance du 14 février 2025* a donné raison au CSE, rappelant plusieurs principes essentiels :

     Toute transformation majeure des conditions de travail nécessite une consultation préalable du CSE (articles L.2312-8 et L.2312-17 du Code du travail)

     L’information fournie doit être complète et sincère, afin de permettre un avis éclairé des élus

     L’impact sur l’emploi et les conditions de travail doit être anticipé, notamment en matière de transparence algorithmique et de risques de biais discriminatoires

Verdict : Le projet d’IA a été suspendu jusqu’à la régularisation de la procédure de consultation.

Source de la décision : Tribunal judiciaire de Nanterre, 14 février 2025, RG n° 24/01457

  

 

Sommet de l’IA à Paris : Vers une régulation internationale ?


Le Sommet pour l’Action sur l’IA, qui s’est tenu à Paris du 6 au 11 février 2025, a mis en avant plusieurs enjeux majeurs liés à l’IA dans le monde du travail et la gouvernance internationale de cette technologie.

 

 Les grands axes de travail du Sommet

Les discussions ont porté sur plusieurs priorités pour encadrer et exploiter l’IA de manière responsable :

     Avenir du travail : l’IA transforme les emplois et les compétences nécessaires. Il est essentiel de mettre en place des stratégies de reconversion et de formation pour accompagner cette transition technologique

     IA de confiance : la transparence des algorithmes et la lutte contre les biais discriminatoires sont devenues des impératifs. Des audits réguliers des systèmes d’IA et des réglementations plus strictes sont envisagés pour garantir leur équité

     Gouvernance mondiale : une coopération internationale est nécessaire pour assurer une régulation cohérente de l’IA et éviter des dérives liées à l’absence de cadre juridique homogène

     Impact écologique de l’IA : la consommation énergétique des modèles d’IA étant en forte hausse, des engagements ont été pris pour encourager des solutions plus éco-responsables

     Éthique et transparence : un cadre de responsabilité doit être défini pour que les décisions automatisées respectent les droits fondamentaux des individus.


Engagements pris lors du Sommet


À l’issue du sommet, plusieurs engagements concrets ont été formulés par les entreprises et les instances politiques :

     Obligation de transparence : les entreprises devront fournir des explications claires sur le fonctionnement de leurs algorithmes, en particulier dans les secteurs sensibles comme les ressources humaines

     Développement d’outils d’audit des biais algorithmiques pour prévenir toute discrimination dans le recrutement ou la gestion des salariés

     Encadrement du déploiement de l’IA en entreprise avec une consultation obligatoire des représentants du personnel sur l’impact des nouvelles technologies

     Création de labels d’IA éthique garantissant que les systèmes respectent des standards stricts en matière de protection des données et de non-discrimination

     Collaboration avec les institutions sociales pour assurer un suivi des effets de l’IA sur les conditions de travail et l’emploi

L’IA offre aux CSE une occasion unique de jouer un rôle clé dans cette transformation technologique.

Recommandations pour les CSE et employeurs


Pour les employeurs : anticiper la consultation

Impliquer le CSE dès la conception du projet est essentiel, avant même une phase pilote, en lui présentant des études d’impact claires sur l’emploi et les conditions de travail. La collaboration avec des experts en droit du travail et en éthique de l’IA permet d’anticiper les enjeux juridiques et sociaux, tout en garantissant le respect du RGPD et du cadre légal, notamment l’IA Act européen.

Pour mieux comprendre les consultations du CSE, lisez notre article Les multiples consultations ponctuelles du CSE .

 

Pour les élus du CSE : agir en amont

Solliciter une expertise indépendante pour évaluer les risques liés à l’IA devient une étape essentielle. Les élus peuvent d’ailleurs exiger une documentation complète sur l’outil déployé. La négociation de garanties d’emploi et de formation pour les salariés permet d’anticiper les impacts sur le travail, tandis que le recours à la justice reste une option en cas de non-respect de la consultation.

 

Bon à savoir :

Le code du travail donne le droit aux élus du CSE de faire appel à des experts, autre que ceux dont l’expertise est réglementée comme les experts comptables. Il peut s’agir d’un expert en IA et éthique ou encore en RGPD.

Découvrez notre article dédié “Les experts que le CSE peut désigner et rémunérer

À retenir 

     Le déploiement de l’IA dans les entreprises ne peut se faire sans une implication forte des CSE, garants du dialogue social

     Cette décision judiciaire marque une avancée significative pour l’encadrement des nouvelles technologies dans le monde du travail.

     Dans ce contexte, les élus doivent rester vigilants et faire valoir leur droit à l’information et à la consultation pour anticiper les mutations du travail liées à l’IA

Les CSE doivent se préparer dès maintenant à jouer un rôle clé dans la gouvernance de l’IA en entreprise !

 
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