1. Des difficultés de recrutement dans de nombreuses branches professionnelles
La loi 2022-1598 du 21 décembre 2022 adoptée par le parlement a modifié certaines règles de l’assurance chômage.
Cette décision est principalement la conséquence des difficultés de recrutement de nombreux secteurs professionnels.
Voici les métiers qui ont de grandes difficultés à recruter (source : organismes d’état) :
- Agents d’entretien (328 000 postes à pourvoir) *
- Aides à domicile (224 000 postes à pourvoir) *
- Conducteurs de véhicules (camions, transport public, VTC) (200 000 postes à pourvoir) *
- Ouvriers qualifiés de la manutention (157 000 postes à pourvoir) *
- Cadres commerciaux et technico-commerciaux (144 000 postes à pourvoir)
- Hôtellerie-Restauration (plus de 100 000 postes à pourvoir).
Les 10 métiers qui recruteront le plus d’ici 2030 (dont 4 cités ci-dessus avec*) : enseignants, aides-soignants, infirmiers, sage-femmes, ingénieur en informatique, cadres de services administratifs, comptables et financiers.
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ces métiers ont du mal à recruter.
Certains sont des métiers peu valorisants et d’autres sont confrontés au développement de la violence relationnelle.
Les horaires décalés, les pauses longues en pleine journée non rémunérées, l’éloignement du domicile ou le trop faible niveau de rémunération accentuent ce phénomène.
Certains métiers industriels n’ont pas la côte même s’ils offrent de bons salaires. D’autres demandent des niveaux de formation initiale et de technicité qui découragent les reconversions.
L’objectif du gouvernement à travers ces nouvelles mesures pour l’assurance-chômage est de tenter de « pousser » des chômeurs à se tourner vers ces métiers. Ce qui est plus facile à envisager qu’à mettre en œuvre. Car cela peut entrainer notamment des changements de région qui déstabilise la vie personnelle et/ou familiale de nombreux chômeurs.
Ces nouvelles mesures ne s’appliqueront pas aux intermittents du spectacle, aux dockers, aux marins-pêcheurs, aux demandeurs d'emploi en contrat de sécurisation professionnelle, aux expatriés et dans les territoires d'outre-mer.
2. Durée variable de la perception des allocations chômage
Auparavant, pour les personnes de moins de 53 ans, la durée maximale de perception des allocations chômage était de 24 mois, 30 mois pour les 53/54 ans, 36 mois pour les 55 ans et plus. Cette durée sera réduite de 25 % chaque fois que le taux de chômage sera inférieur à 9 % (nous sommes actuellement à un taux de 7,3 %). Cela veut dire, par exemple, qu’un chômeur de moins de 53 ans dispose de 18 mois au lieu de 24 mois d’allocation chômage.
Cette modification est applicable pour les salariés qui sont au chômage depuis le 1ier février 2023. Les chômeurs indemnisés avant cette date ne verront pas leur durée d’allocation réduite jusqu’à la fin de la période prévue par Pôle Emploi. Sauf sanction pour avoir refusé une « offre raisonnable d’emploi ».
3. Perte des allocations pour abandon de poste
Jusqu’à présent un salarié qui abandonnait son poste ( c'est-à-dire qui ne retournait pas au travail alors qu’il n’a pas de motif particulier pour ce faire), percevait, s’il s’inscrivait à Pôle Emploi, les allocations chômage en fonction de ses droits.
Depuis le 19 avril 2023, tout salarié qui abandonne volontairement son poste sans motif valable et dont la demande de l’employeur à revenir travailler reste infructueuse, n’a plus droit aux allocations chômage. L’article R1237-13 du code du travail (créé par le décret du 17 avril 2023 paru au Journal Officiel du 18 avril 2023) précise les deux types de conditions qui enclenchent cette situation :
Situation 1 :
- Un salarié ne revient pas au travail,
- L’employeur envoi par lettre recommandée avec accusé de réception une mise en demeure de reprendre le travail, lettre dans laquelle l’employeur indique que le salarié a un délai de 15 jours maximum pour reprendre le travail,
- Dès la présentation de cette lettre avec accusé de réception le délai de 15 jours calendaires (soit y compris dimanches et jours fériés) commence,
- Attention ce délai démarre le jour où la lettre est présentée même si le salarié ne va pas chercher la lettre dans un bureau de poste,
- Au bout de 15 jours, le salarié est considéré légalement comme démissionnaire. Il n’a pas à écrire de lettre de démission.
- L’employeur indique dans l’imprimé destiné à Pôle Emploi cet état de fait, le salarié n’aura pas droit aux allocations chômage.
Situation 2 :
- Un salarié ne revient pas au travail,
- L’employeur envoi par lettre recommandée avec accusé de réception une mise en demeure de reprendre le travail, lettre dans laquelle l’employeur indique que le salarié a un délai de 15 jours maximum pour reprendre le travail,
- Dès la présentation de cette lettre avec accusé de réception le délai de 15 jours calendaires (soit y compris dimanches et jours fériés) commence,
- Le salarié répond, dans ce délai de 15 jours, à cette mise en demeure par un courrier avec accusé de réception (ou remis en mains propres) pour justifier cette absence : il peut évoquer divers types de justificatifs comme : des raisons médicales, l’exercice du « droit de retrait » (L4131-1), l’exercice du droit de grève, son refus d’exécuter une instruction professionnelle contraire à la règlementation ou encore une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur,
- Si l’employeur refuse de reconnaitre valables les raisons invoquées par le salarié, ce dernier peut saisir le conseil de Prud’hommes qui dispose d’un mois maximum pour donner sa réponse. Le conseil de prud’homme évaluera le caractère « valable » des justificatifs présentés par le salarié.
4. Perte des allocations pour refus de CDI
Depuis plus de 30 ans, sur 100 contrats de travail signés chaque jour, il n’y en a que 20 % qui sont des CDI.
80 % sont des CDD, de l’intérim, des contrats en alternance, des contrats aidés, etc. Cet état de fait, était, jusqu’à présent, et aujourd’hui encore pour beaucoup de travailleurs, considéré comme une situation négative pour ces salariés précaires qui n’avaient pas de sécurité d’emploi. Ils se trouvaient souvent pénalisés pour obtenir un prêt bancaire, trouver un logement, etc.
Mais aujourd’hui, pour être plus libre de leur vie personnelle, de plus en plus de travailleurs préfèrent le CDD ou l’Intérim pour choisir le moment où ils travaillent et qui refusent le CDI qu’on leur propose à l’issue de ces contrats à durée déterminée.
La loi du 21 décembre 2022 prévoit qu’un travailleur qui aura refusé, deux fois en l’espace d’un an, un CDI pour un même emploi sur le même lieu de travail (donc pas obligatoirement le même employeur) et au moins le même salaire perdra le droit aux allocations chômage. Ce refus sera constaté à l’issue d’un (ou plusieurs) CDD ou contrat d’intérim, à l’issue desquels un CDI lui aurait été proposé.
C’est l’employeur qui constate ces refus répétés qui informera Pôle Emploi. Pôle Emploi devra vérifier la compatibilité de l’offre de CDI qui est faite à ce travailleur qui ne souhaite pas de CDI, avec « l’offre raisonnable d’emploi » qu’il est sensé accepter sous peine de sanction.
Imaginons comment cela peut fonctionner ou pas…
Imaginons d’abord un soudeur hautement qualifié (les salaires sont assez élevés dans cette profession) qui alterne ainsi CDD, intérim et congés choisis (au chômage indemnisé). Il entre dans les cibles de cette nouvelle mesure s’il refuse deux fois en une année une offre de CDI.
Imaginons à présent un autre soudeur qui n’a pas trouvé de travail dans la région où il se trouve et qui a accepté de travailler comme serveur dans un restaurant (en CDD et/ou intérim) pour un salaire nettement inférieur à ce qu’il percevrait comme soudeur. Cette situation lui convient pour l’instant, il a des périodes de chômage indemnisées qu’il gère comme il en a envie. On ne pourra pas lui opposer le refus d’une « offre raisonnable d’emploi » s’il refuse un CDI puisque celle-ci est basée sur sa profession de soudeur.
5. Synthèse
Depuis la loi 2022-1598 du 21 décembre 2022 et depuis un premier décret 2023-275 du 17 avril 2023, certains droits des chômeurs ont été réduits pour tenter de les « pousser » vers des emplois non pourvus. Baisse de la durée d’indemnisation, perte de droit au chômage indemnisé pour des travailleurs qui abandonnent volontairement leur poste sans raison valable ou qui refusent un CDI après des CDD ou de l’intérim. Ce dernier point n’est pas en œuvre tant que le décret le définissant n’est pas paru au journal officiel.