La Cour de cassation a rendu ce 3 avril 2024 un avis particulièrement intéressant pour les élus du CSE. Cet arrêt inédit énonce que le comité ne peut désormais plus imposer une condition d'ancienneté pour accéder aux Activités Sociales et Culturelles (ASC).
Concrètement, qu’est-ce qui va changer ? Qu’est-ce que cette décision implique pour les salariés ? Quelles mesures les élus du CSE peuvent-ils prendre pour s'adapter à cette nouvelle règle ?
Un point sur les ASC pour comprendre cette jurisprudence
Pour saisir toute l'importance de la récente décision de la Cour de cassation, plongeons au cœur des ASC. Ces prestations essentielles à la vie quotidienne des salariés, vont bien au-delà de simples loisirs. Elles touchent à tout, des sorties culturelles aux activités sportives, de la restauration à la petite enfance - et sont habituellement gérées par les CSE.
Qui peut en bénéficier ? Comment sont-elles attribuées ? La nouvelle jurisprudence bouleverse-t-elle l’accès à ces avantages précieux ?
Qui sont les bénéficiaires des ASC ?
Le Code du Travail désigne comme des bénéficiaires prioritaires des Activités Sociales et Culturelles (ASC).
- les salarié·es
- les stagiaires
- et leurs familles
Chaque salarié de l’entreprise bénéficie des avantages du CSE, indépendamment de son type de contrat ou de sa durée de travail au sein de l'entreprise.
Autrement dit, toute personne titulaire d’un contrat de travail dans l’entreprise est bénéficiaire des ASC - y compris celles dont le contrat est suspendu.
Sur le même principe, un dirigeant social qui dispose d’un contrat de travail (et non uniquement d’un mandat social) fait partie des effectifs de l’entreprise et bénéficie donc des ASC.
Bon à savoir
Les intérimaires et les salariés mis à disposition n'ont donc généralement pas droit aux Activités Sociales et Culturelles, sauf si des règles conventionnelles plus généreuses le permettent.
Un(e) salarié(e) en congé paternité/maternité, en accident du travail ou en arrêt maladie, continue de bénéficier des ASC du CSE puisque son contrat de travail n'est pas rompu mais suspendu.
Conditions d'attribution des ASC du CSE
La règle essentielle à retenir en matière d’attribution des ASC du CSE est la suivante : le principe de non discrimination.
Les Activités Sociales et Culturelles doivent être attribuées aux bénéficiaires sans discrimination.
Autrement dit, le CSE ne peut conditionner l’accès aux ASC en fonction de l’âge des bénéficiaires, de leur statut (cadre/non cadre), de leur appartenance à un syndicat, de leur présence ou non sur leur lieu de travail… Les critères tels que le genre, la nationalité ou la confession religieuse entrent évidemment dans la liste des critères discriminatoires interdits par la loi.
Attention cependant à ne pas confondre discrimination et modulation.
Effectivement, là où la discrimination est une pratique illégale et éthiquement répréhensible qui viole les principes d'égalité et de respect des droits individuels, la modulation consiste à ajuster ou contrôler la façon dont les bénéficiaire peuvent accéder aux ASC. Ceci dans le but de mieux répondre aux différents besoins.
Le CSE peut donc moduler l'accès aux ASC à la seule condition de ne pas choisir un critère jugé discriminatoire.
Par exemple, il est accepté de moduler l’accès aux ASC en fonction du quotient familial, du niveau de revenu ou du nombre d'enfants à charge.
Jusqu’à avril 2024, le critère d’ancienneté pouvait justement être utilisé comme critère de modulation d’accès aux Activités Sociales et Culturelles. Ainsi, il était courant pour les CSE de restreindre l’accès aux ASC aux salariés ayant une ancienneté minimale dans l’entreprise. Ce critère d’ancienneté était toléré par l’URSSAF. En général, cette période de carence est fixée à 3 mois ou 6 mois d’ancienneté.
En 2014, le Ministère du Travail s’était pourtant déjà prononcé sur le sujet lors d’une réponse à l’Assemblée nationale : “De même, la différence de traitement entre les salariés au regard d'un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n'apparaît pas, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l'activité professionnelle tels que l'ancienneté ou la présence effective des salariés dans l'entreprise.”
Ce que dit la jurisprudence du 3 avril 2024
Quelles sont les conséquences directes et indirectes de cette nouvelle jurisprudence CSE ? Quelles adaptations stratégiques envisagées en tant qu’élu du comité ?
Fin de l'ancienneté minimale pour les ASC
Dans un arrêt inédit (Cass. soc., 3 avril 2024, n°22-16.812), la chambre sociale de la Cour de Cassation a annoncé le 3 avril 2024 que le CSE ne peut plus utiliser le critère d’ancienneté dans l’entreprise pour moduler l’accès aux Activités Sociales et Culturelles.
La Cour de cassation estime que « s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté ».
Cet avis a été rendu suite à un recours en justice porté par la CGT de Groupama assurances mutuelles pour faire annuler ce critère litigieux.
La décision a donc été prise sur la base du principe de non discrimination - le critère d’ancienneté privant totalement certains salariés de l’accès à ces activités.
Aucun critère d'ancienneté, peu importe la durée, ne peut désormais être imposé aux salariés nouvellement embauchés qui souhaitent bénéficier des ASC de leur entreprise.
Les mesures à envisager suite à cette jurisprudence
L’impact de cette jurisprudence ne sera évidemment pas le même selon la taille et le budget dont dispose votre comité. Vous l'aurez compris, tous les CSE doivent cependant modifier leur politique d’ASC pour respecter cette évolution de la jurisprudence.
Voici donc quelques pistes concernant les mesures à prendre en tant qu’élu CSE face à cette nouvelle règle d’attribution des ASC.
- Réviser les règlements intérieurs : mettre à jour les documents officiels pour éliminer toute référence à des conditions d'ancienneté pour l'accès aux ASC.
Bon à savoir
Le ou les salariés affectés pourraient à défaut engager des poursuites auprès du Conseil de prud'hommes.
- Communication claire : informer les autres élus ainsi que tous les salariés, stagiaires et autres ayant droits des modifications apportées aux critères d'élligibilité des ASC pour s'assurer que chaque ayant-droit connaisse et comprenne bien ses droits.
- Planification budgétaire : adapter le budget des ASC pour inclure un nombre plus important de bénéficiaires dès leur embauche, ce qui pourrait nécessiter une répartition mensuelle des fonds plutôt qu'annuelle.
- Renégocier les subventions : discuter avec la direction pour ajuster les subventions afin que tous les salariés, y compris les nouveaux arrivants, puissent bénéficier équitablement des ASC.
- Anticiper les questions juridiques : consulter régulièrement des experts juridiques pour anticiper toute autre modification législative qui pourrait affecter la gestion des ASC.
Le 30 juillet 2024, l'URSSAF a annoncé qu'elle accordait un délai supplémentaire aux CSE afin qu'ils se mettent en conformité avec la Cour de cassation : cette mise en conformité doit se faire avant le 1ᵉʳ janvier 2026.
À retenir
La récente jurisprudence de la Cour de cassation du 3 avril 2024 élimine l'usage de l'ancienneté comme critère pour l'accès aux Activités Sociales et Culturelles (ASC) par les salariés. En conséquence, tous les CSE doivent maintenant réviser leurs règlements pour garantir l'équité d'accès immédiat aux ASC pour chaque salarié dès son arrivée.
L'URSSAF vous accorde jusqu'au 31 décembre 2025 pour modifier vos critères d'attribution, c'est-à-dire pour supprimer toute période de carence si vous en avez fixé une.
Il est essentiel de maintenir un dialogue continu avec la direction, les syndicats et les salariés afin d’ajuster et gérer les attentes liées aux ASC, ce qui permettra une transition efficace tout en préservant la stabilité financière du CSE. Des ajustements dans la planification budgétaire et les subventions peuvent être nécessaires pour accommoder ce changement.
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