L'inaptitude au travail est une situation qui peut bouleverser la vie professionnelle d’un salarié et soulever de nombreuses questions sur ses droits et recours.
Cet article, conçu comme un guide pratique à destination des élus du CSE, vise à leur fournir les informations essentielles pour accompagner les salariés concernés.
Quelles sont les conditions pour une inaptitude au travail ? Le CSE doit-il être consulté lors d’une procédure d’inaptitude ? Qu’est-ce qu’une procédure de reclassement ?
Vous y découvrirez les démarches à suivre en cas d’inaptitude, les obligations de l’employeur, ainsi que les droits du salarié en matière de reclassement et d’indemnisation.
Sommaire
1 - Reconnaissance de l’inaptitude au travail
1.1 - Qu'est-ce que l'inaptitude au travail ?
1.2 - Inaptitude au travail : quelles sont les conditions requises ?
1.3 - Contestation de l’avis d’inaptitude
2 - Inaptitude et obligations de l’employeur
2.1 - L’obligation de reclassement professionnel pour inaptitude
2.2 - Inaptitude au travail : quel salaire pendant le reclassement ?
3 - Décision du 12 février 2025 par la Cour de cassation
3.1 - Ce qui change pour les élus CSE
3.2 - Inaptitude au travail : conseils pour le CSE
Pour bien comprendre l'inaptitude au travail, il est essentiel de savoir comment elle est définie et ce qui la justifie, tant d’un point de vue médical que légal.
Qu'est-ce que l'inaptitude au travail ?
L'inaptitude au travail (ou “inaptitude médicale”) est une décision médicale prise par le médecin du travail lorsqu’un salarié n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions en raison d’un problème de santé.
L'inaptitude peut résulter d'une maladie ou d'un accident professionnel, mais aussi d'une maladie ou d'un accident n'ayant pas de lien avec le travail.
L'inaptitude d'un salarié est toujours liée à un poste de travail spécifique. En effet, l'avis est rendu en fonction du poste occupé par le salarié au moment de la procédure. |
Elle est constatée selon une procédure spécifique
du Code du travail. Elle entraîne des conséquences
pour le salarié concerné ainsi que pour l'employeur.
Le CSE joPour bien comprendre l'inaptitude au travail, il est essentiel de savoir comment elle est définie et ce qui la justifie, tant d’un point de vue médical que légal. Un rôle clé dans l’accompagnement des salariés et la surveillance du respect des procédures.
Inaptitude au travail ≠ Incapacité de travail ≠ Invalidité |
Inaptitude au travail : quelles sont les conditions requises ?
Seul le médecin du travail est habilité à constater l’inaptitude d’un salarié. Cette procédure est strictement encadrée par l'article L4624-4 du Code du travail et repose sur plusieurs étapes essentielles.
Procédure d'évaluation de l'inaptitude
Le médecin du travail doit suivre les étapes suivantes avant de rendre son avis :
- Examen médical du salarié : Un premier examen est réalisé pour évaluer l'état de santé du travailleur.
- Étude de poste : Analyse des tâches effectuées par le salarié.
- Étude des conditions de travail : Observation des contraintes liées à l’environnement professionnel. Ces études peuvent être déléguées à un membre de l'équipe du médecin du travail, et la date d'actualisation de la fiche d'entreprise doit être mentionnée.
- Échanges avec le salarié et l’employeur : Communication par tout moyen pour recueillir leurs observations.
- Entretien final avec le salarié : Discussion sur l’avis médical et les recommandations ou propositions adressées à l’employeur.
Bon à savoir :
Si le médecin du travail juge nécessaire une seconde visite médicale, celle-ci doit être effectuée dans un délai maximal de 15 jours après la première. L’avis d’inaptitude est prononcé au plus tard lors de cette seconde visite.
Conditions de reconnaissance de l’inaptitude au travail
Pour que l’inaptitude soit déclarée, le médecin du travail doit constater deux critères cumulatifs :
- Aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible.
- L’état de santé du salarié justifie un changement de poste.
L’avis d’inaptitude peut être contesté selon les voies de recours prévues par la législation.
Contestation de l’avis d’inaptitude
La procédure de contestation de l'avis
d'inaptitude a évolué à la suite des réformes récentes, notamment avec la loi du 8 août 2016 (loi Travail) et l'ordonnance du 22 septembre 2017. Ces réformes ont modifié l'institution devant laquelle la contestation
doit être portée.
Bon à savoir :
Avant 2016, le salarié ou l'employeur devait saisir l'inspecteur du travail. Depuis 2016, c'est désormais le conseil de prud’hommes qui doit être saisi, via une procédure accélérée au fond.
Le Code du travail précise que le médecin du travail dont l’avis est contesté doit être informé par l’employeur mais ne participe pas au processus juridique. Il reste simplement une source d'information.
La saisine du conseil de prud’hommes doit intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'avis d’inaptitude. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 2022, ce délai commence à courir à partir de la remise en main propre de l’avis d’inaptitude, contre émargement ou récépissé.
Une fois saisi, le conseil de prud’hommes peut demander l'avis du médecin inspecteur du travail, compétent pour éclairer les aspects médicaux de l’affaire. Ce médecin expert rend un rapport qui peut répondre aux questions factuelles relevant de sa compétence. Le conseil de prud’hommes rend sa décision après réception de ce rapport d’expertise, s’il existe.
Il est important de noter que la décision rendue par le conseil de prud’hommes se substitue à l’avis d'inaptitude contesté. En d'autres termes, le conseil peut prononcer un nouvel avis d’inaptitude ou annuler celui qui a été contesté.
Toutes les entreprises sont tenues de proposer un reclassement en cas d’inaptitude d’un salarié. Mais qu’est-ce que l’obligation de reclassement ? Et que faire si le salarié ne peut pas être reclassé au sein de l’entreprise ?
L’obligation de reclassement professionnel pour inaptitude
L’obligation de reclassement est une règle du droit du travail qui impose à l’employeur de rechercher un autre poste pour un salarié qui ne peut plus occuper son poste actuel pour des raisons médicales (inaptitude physique ou psychique).
L’objectif du reclassement professionnel est d‘éviter le licenciement en proposant au salarié un emploi adapté à son état de santé. |
L’obligation de reclassement est prévue par le Code du travail, notamment à l’article suivant : Article L1226-2-1.
Avant qu’un employeur ne licencie un
salarié déclaré inapte, vérifiez qu’il a bien respecté les étapes suivantes :
Etape |
Description |
1) Rechercher |
Identifier tous les postes disponibles adaptés à l’état de santé du salarié. |
2) Adapter |
Modifier un poste existant pour qu’il soit compatible avec l’inaptitude du salarié, si possible. |
3) Proposer |
Présenter les solutions de reclassement au salarié, qui peut les accepter ou les refuser. |
4) Consulter |
Informer et consulter le CSE, sauf si aucune solution de reclassement n’est envisageable. |
Dans quels cas l’employeur peut-il être dispensé de reclassement ?
L’employeur n’a pas à chercher un reclassement si l’avis médical d’inaptitude précise que :
- "Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé."
- "L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement."
👉 Avant l’arrêt du 12 février 2025, il fallait que ces phrases figurent exactement dans l’avis médical.
👉 Depuis cet arrêt, une formulation équivalente suffit.
Inaptitude au travail : quel salaire pendant le reclassement ?
Pendant le premier mois de recherche d'emploi, l'employeur n'est pas tenu de rémunérer le salarié, sauf si une convention collective ou un accord interne prévoit le contraire. Passé ce délai, si le salarié n'est pas reclassé et que son contrat n'est pas rompu, l'employeur doit lui verser le salaire correspondant à l'emploi occupé avant son inaptitude.
Ce versement continue jusqu'au reclassement du salarié ou à la rupture de son contrat de travail.
margin-top:14.0pt;mso-pagination:widow-orphan;page-break-after:auto;">Cette décision récente de la Cour de cassation modifie l'obligation de consultation du CSE en cas d’inaptitude, avec des implications directes pour l'employeur et les élus.
Ce qui change pour les élus CSE
Avant (Jurisprudence stricte) |
Après (Arrêt du 12 février 2025) |
Avis médical : "L’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste." |
|
Problème : Ce n’est pas exactement la mention légale. |
Clarification : La Cour considère maintenant cette formulation comme équivalente à la mention légale. |
Conséquence : L’employeur devait quand même rechercher un reclassement et consulter le CSE. |
Conséquence : L’employeur est dispensé de reclassement et n’a plus à consulter le CSE. |
Inaptitude au travail : conseils pour le CSE
Avant la décision de février 2025 de la Cour de Cassation, une petite variation de langage dans l’avis médical pouvait forcer une consultation du CSE.
Désormais, l’employeur peut être dispensé plus facilement, ce qui signifie moins de consultations du CSE en pratique. D’où l’importance pour le CSE de rester vigilant sur les cas d’inaptitude !
Rester vigilant dans ce contexte signifie que
les membres du CSE doivent être
particulièrement attentifs à certains éléments et actions, même si l’employeur
n’est plus obligé de les consulter systématiquement dans les cas d'inaptitude.
Voici ce que vous pouvez faire pour vous assurer que les droits des salariés sont respectés et que tout se déroule dans les règles :
- Bien que l'employeur ne soit plus obligé de consulter le CSE pour chaque inaptitude, il doit tout de même informer les élus des décisions importantes, en particulier dans le bilan social[1].
- Si l’avis médical indique que l’état de santé du salarié rend impossible tout reclassement, cela doit être clair. Les élus CSE peuvent demander des explications supplémentaires à l’employeur pour vérifier que l’inaptitude est bien totale (et que la dispense de reclassement est justifiée).
- Si un salarié est licencié pour inaptitude, le CSE doit être vigilant pour vérifier que la procédure a été respectée, notamment le respect des obligations légales en matière de reclassement.
- Si les élus du CSE estiment qu'il y a une gestion douteuse des cas
d'inaptitude (par exemple, si l’employeur ne fait pas réellement d’efforts pour
chercher un reclassement ou s’il y a un doute sur la validité de l’avis
médical), ils peuvent exercer leur droit
d'alerte. Cela consiste à demander
des clarifications ou des enquêtes pour protéger les intérêts des salariés.
Les membres du CSE peuvent aussi informer les salariés sur leurs droits en cas d'inaptitude, notamment sur la procédure de reclassement et les conditions dans lesquelles l’employeur peut être dispensé de cette obligation. Cela permet aux salariés de mieux comprendre la situation et de défendre leurs droits en cas de besoin.
[1] Il regroupe toutes les informations sur la gestion des ressources humaines dans l’entreprise).
L'inaptitude au travail est un enjeu important, et la décision de février 2025 simplifie le rôle du CSE en matière de consultation dans certains cas. Cependant, les élus du CSE doivent toujours rester attentifs pour s'assurer que l'employeur respecte ses obligations de reclassement, et que les droits des salariés sont préservés.
Informer les salariés et exercer leur droit d'alerte lorsque nécessaire restent des priorités pour protéger leurs intérêts, même lorsque l'employeur est dispensé de consulter formellement le CSE !
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