Depuis ce début d’année 2024, des changements importants concernent les personnes en fin de mission d'intérim ou de CDD à qui l’on propose un CDI. Ce qui change : le ou la salarié·e qui refuse cette proposition de CDI pourra dans certains cas être privé·e de ses droits d’allocations chômage. Quelles en sont les conséquences ? Un salarié peut-il refuser des CDI sans perdre ses droits au chômage ? Découvrez le détail de ces nouvelles règles afin de conseiller au mieux les personnes confrontées au refus de CDI.
Que dit la loi en cas de refus de CDI ?
D’après un décret publié le 28 décembre 2023 dans le Journal Officiel, toute personne salariée ou intérimaire qui décline à deux reprises au cours de la même année une offre de CDI de la part de son employeur risque de perdre ses allocations chômage.
Décret du 28 décembre 2023 : l'avis des expert(es)
Cette disposition s'inscrit dans la réforme de l'assurance-chômage mise en place sous la présidence d’Emmanuel Macron. En avril 2023, cette dernière avait déjà supprimé les droits d’allocations chômage pour les salariés ayant commis un abandon de poste.
Désormais, si un salarié refuse deux fois un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) émis par le même employeur, ce dernier se retrouve grandement pénalisé.
Cette nouvelle s’accompagne de nouvelles obligations pour les employeurs.
Effectivement, depuis janvier 2024, les employeurs doivent déclarer à France Travail les salariés qui leur refusent des offres de CDI.
Il s'agit d'une nouvelle obligation déclarative de l'employeur. Cette obligation n'est pas passible de sanction. D'ailleurs, France Travail ne peut pas contrôler les employeurs qui ne signalent pas les salariés concernés.
Selon les experts qui accompagnent les entreprises, cette mesure semble peu adaptée. Certains la qualifient à la fois d’inefficace et d’excessivement contraignante sur le plan administratif. L'employeur est contraint de fournir des informations, d'annexer des documents et de démontrer le respect d'une procédure. Il devra créer un compte sur la plateforme gouvernementale, compléter un formulaire, communiquer les différents éléments du contrat de travail proposé… De plus, les obligations qui lui incombent ne sont d'aucun bénéfice pour l'entreprise.
Loi VS réalité : une application compliquée
D’après le décret, si le salarié ne répond pas dans un délai d'un mois après avoir reçu la proposition de CDI, l'employeur peut interpréter cela comme un refus de l'offre d'emploi permanent et en informer France Travail.
Dans les médias, plusieurs chefs d’entreprise et dirigeants d’agence d'emploi se sont prononcés sur la difficulté à faire appliquer la mesure. Nombreux sont ceux qui ont évoqué les raisons administratives.
Certains d’entre eux perçoivent également le signalement des salariés qui refusent un CDI auprès de France Travail comme un acte déontologiquement inacceptable.
Samuel Tual, le président du groupe Actual, a par exemple déclaré pour Cadremploi « Je suis contre par principe. Je comprends l'intention de cette mesure mais j'estime qu'un employeur n'a pas à se transformer en délateur. De plus, il serait malvenu de pénaliser des personnes qui ont besoin de flexibilité et de liberté dans leur façon de travailler. 70 % des intérimaires à qui j’ai proposé un CDI ont refusé. Je ne me vois pas les sanctionner. »
Comprendre les conséquences pour mieux soutenir les salariés
D’après les détracteurs du décret, les salariés les plus précaires ainsi que les jeunes seraient les plus pénalisés par cette restriction du droit au chômage. Mais il y a également d’autres conséquences pour l’ensemble des salariés.
Les conséquences de cette mesure
De nombreux jeunes diplômés occupent des postes en CDD qui sont moins qualifiés que ceux qu’ils pourraient occuper compte tenu de leurs diplômes. Ces profils attendent généralement de trouver un poste qui correspond à leurs compétences et à leur parcours de formation. Ils ont donc tendance à refuser les CDI, et se trouveront, pour cette raison, en difficulté face à la suppression de leurs droits au chômage.
De manière générale, il s’agit d’une perte en pouvoir de négociation pour les salariés, puisque les employeurs ont désormais la possibilité de faire pression sur ces derniers afin qu’ils acceptent un poste.
Bon à savoir
Le CSE a notamment pour rôle de défendre les salariés individuellement et collectivement. En tant qu’élu, les membres du CSE font donc preuve d’écoute active avec les salariés. À l'échelle individuelle, un élu CSE peut avoir un dialogue ouvert avec un salarié préoccupé par son refus de CDI afin de comprendre ses motivations et mieux cerner ses besoins.
Il est donc primordial de connaître les différents cas dans lesquels un salarié peut refuser un CDI, et de communiquer là-dessus.
Comment se déroule un refus de CDI ?
La première étape du processus de refus d'un CDI est celle que nous avons évoquée précédemment. Après avoir proposé un CDI au salarié, si ce dernier refuse, l'employeur transmet alors le refus de CDI à France Travail.
Bon à savoir
Une absence de réponse du salarié est automatiquement considérée comme un refus au bout d’un mois.
Une fois le délai d’un mois écoulé et/ou le CDI officiellement refusé, les agents du service public de l'emploi n’appliquent pas encore de sanctions financières au salarié. Ils peuvent uniquement noter son refus de signer le CDI ou le solliciter pour des informations complémentaires.
À partir du deuxième refus d’une proposition de CDI, les conséquences sont différentes : le salarié n’aura plus droit à son allocation d’assurance chômage.
Cependant, deux articles du Code du Travail encadrent la perte du chômage pour refus de CDI à la suite d'un CDD ou d'une mission d'intérim.
Informations & exceptions à connaître pour guider les salariés
Il existe plusieurs exceptions pour lesquelles un salarié peut refuser des CDI et continuer de percevoir ses allocations chômage.
Les salariés doivent être informés de leurs droits et des recours disponibles en cas de refus de CDI. Le CSE peut fournir des conseils sur les démarches à entreprendre et les alternatives à considérer, telles que la recherche d'un autre emploi ou la formation.
Le salarié peut continuer de bénéficier de ses droits à l’assurance chômage si le CDI proposé par l’employeur ne respecte pas les critères suivants :
- L’emploi proposé en CDI doit être identique ou équivalent à que celui que le salarié occupait
- La rémunération proposée pour le futur contrat ne doit pas être inférieure à l’ancienne rémunération
- La classification est équivalente ou plus élevée que celle de son poste actuel
- La durée de travail ainsi que le lieu de travail restent inchangés
Si, au cours de l'année précédente, un demandeur d'emploi a rejeté deux propositions de CDI à l'issue d’un contrat d'intérim, il ne pourra pas prétendre à l'allocation chômage.
Cependant, il existe des exceptions à cette règle :
- si le salarié occupait un CDI durant la période de douze mois
- ou que le poste proposé en CDI est opposé au PPAE que le salarié a rempli avec France Travail, alors le salarié n’est pas concerné par la suppression de son allocation chômage.
À retenir
Depuis janvier 2024, le refus de deux offres de CDI dans la même année peut entraîner la perte des allocations chômage pour le salarié. Les nouvelles obligations pour les employeurs suscitent des doutes quant à leur application et à leur efficacité. Il est crucial que les élus du CSE connaissent, comprennent et transmettent l’intégralité de ces règles et de leurs exceptions. Ils peuvent ainsi mieux conseiller et accompagner les salariés concernés.
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