Dans un contexte juridique en constante évolution, il est essentiel pour les représentants du personnel de rester à jour sur les décisions qui impactent leurs droits et leurs missions. 

Trois jurisprudences de ces derniers mois viennent redéfinir le cadre des pratiques au sein du CSE : la reconnaissance du droit au télétravail pour un élu, la possibilité de voter une expertise sans l'inscrire à l'ordre du jour, et le remboursement des frais de déplacement sans accord préalable. 

Ces évolutions pourraient bien transformer votre quotidien en tant qu’élu. Découvrez comment elles peuvent affecter vos pratiques au sein de l'entreprise !


Un membre du CSE qui télétravaille régulièrement acquiert ce droit

 

En février 2024, la cour d'appel de Toulouse a condamné un comité en raison du licenciement de l’assistante CSE : le CSE l'a licenciée car elle a refusé de renoncer au télétravail.

Contexte et déroulement

Le télétravail de l’assistante CSE avait déjà été “instauré” avec l'ancien comité d'entreprise. 
Dès son arrivée dans l’entreprise, l’assistante s’installe en télétravail. 

Cependant, aucune mention explicite dans son contrat de travail ne précisait que l’assistante en question pouvait exercer ses missions à distance. Aussi, le télétravail n’a pas été mis en place dans l’entreprise par accord collectif, ni dans une charte unilatérale de l'employeur.

 

 

Lors du passage du CE au CSE, le CSE réclame à l’assistante le respect de son contrat de travail ; c’est-à-dire arrêter le télétravail et effectuer ses missions dans les locaux de l’entreprise.

Le CSE lui propose même un aménagement d'horaire. Mais l'assistante refuse.

 

C’est site à ce refus de la part de l’assistante, que le comité prend la décision de la licencier. Les motifs invoqués ? Non-respect de ses obligations contractuelles et raisons personnelles.

 

Réactions et recours de la salariée

L'assistante licenciée a saisi le conseil des prud'hommes. Pour étayer sa demande, la salariée a présenté plusieurs éléments aux juges : 

- une déclaration d'un représentant syndical datant d'une réunion du CE de 2019, indiquant que le télétravail faisait partie de l'organisation prévue.
- une attestation de la précédente assistante du CE, qui effectuait ses missions exclusivement en télétravail.

Bon à savoir


Face au rejet de sa première demande, la salariée licenciée a fait appel et a réclamé 17 000 € de dommages et intérêts au CSE pour “licenciement sans cause réelle et sérieuse dans des conditions vexatoires. Ce montant inclut également le paiement de son treizième mois et des chèques-vacances qui ne lui ont pas été versés.

La salariée licenciée affirme aux juges que le fait d'exercer ses fonctions en télétravail a été décidé dès son embauche. Elle affirme que le télétravail n’affecte pas l'organisation et le déroulement de ses missions - alors même que le CSE soutient que son télétravail a nui au bon fonctionnement de l’instance.

Elle explique qu’il a été convenu que sa seule venue en présentielle au siège du CSE soit conditionnée à une fois par mois et que la date de sa venue soit planifiée en accord avec la direction. 

 

Décision de la justice (cours d’appel)

Bien que le contrat de travail de la salariée ne mentionnait pas le télétravail, la cour d'appel de Toulouse a jugé que l'employeur ne pouvait pas modifier ses conditions de travail pour l’obliger à revenir sur site sans son accord. La cour a affirmé que, même en l'absence d'une clause de télétravail dans le contrat, toute modification importante des conditions de travail nécessite l'accord du salarié, ce qui n'a pas été respecté dans ce cas.

Le licenciement a été jugé non valable parce qu'il n'a pas respecté les conditions légales requises pour modifier les termes du contrat de travail. 

Cette décision a entraîné l'attribution de près de 7000 € de dommages et intérêts à la salariée. À cette somme s’ajoute les frais de justice ainsi que  :

  • le paiement de son treizième mois
  • le règlement de ses chèques vacances

Suite à cette action en justice, l’assistante CSE licenciée a donc perçu un total de près de 11 000 €.

 



Une expertise CSE peut être votée même si elle n'est pas inscrite à l'ordre du jour (Mars 2024)

En 2022, lors d'une réunion au sein de La Poste, les représentants du personnel ont décidé de demander une expertise sur un projet de modification de la durée du travail des employés qui n’était pas inscrit à l’ordre du jour : La Poste a contesté cette décision en justice.

 

Contexte et déroulement

Lors d’une réunion des représentants du personnel ayant eu lieu il y a près de deux ans, l'un des points à discuter à l’ordre du jour porte sur la thématique suivante : l'information au CHSCT (Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) d’un projet d'ajustement de la durée du temps de travail des salariés.

Après avoir discuté de ce projet important, les représentants du personnel votent à la majorité des membres qu'une consultation doit être organisée sur le sujet et que le comité a tout intérêt à se faire accompagner par un expert.

Bon à savoir

Les élus ont demandé une expertise parce que le projet pouvait avoir des effets significatifs sur les conditions de travail et la sécurité des employés. Ils voulaient donc s'assurer de bien comprendre toutes les implications avant de formuler un avis définitif.

Or, cette décision de se faire aider par un expert lors de la consultation n'était pas inscrite à l'avance à l'ordre du jour de la réunion.

Vous savez sûrement que si le comité prend une décision sur un sujet qui n'est ni inscrit à l'ordre du jour ni lié aux questions prévues pour la réunion, cette décision peut être annulée.

L'employeur, La Poste, a donc contesté la décision des représentants du personnel, en arguant que, puisque l'expertise n'était pas prévue dans l'ordre du jour, elle ne pouvait pas être validée.

 

Un représentant du personnel peut obtenir le remboursement de ses frais de déplacement, même sans accord préalable (Mai 2024)


En mai 2024, un salarié qui est également représentant du personnel dans une entreprises demande à son employeur de rembourser ses frais de déplacement et de prendre en charge les réparations de sa voiture.

 

Contexte et déroulement

Le représentant du personnel concerné a utilisé sa voiture personnelle et a eu un accident alors qu’il se rendait à une réunion du CHSCT. Ses demandes de prise en charge financière par l’employeur sont refusées.

L'entreprise a une règle qui dit que pour être remboursé des frais de déplacement, un employé doit avoir obtenu l'accord de son supérieur. De plus, l'assurance de l'entreprise ne couvre les frais de déplacement que si l'employé avait cette autorisation préalable.

 

Décisions de la justice (cours d’appel et cours de cassation)

La cour d’appel a rejeté la demande de l’employé pour le remboursement des frais et des réparations, car il n'avait pas prouvé qu'il avait eu l'accord nécessaire. La décision prise par la cour d’appel a par la suite été annulée par une instance supérieure : la Cour de cassation.



newsletter2

NEWSLETTER

Recevez toute l'actualité
des CSE

À retenir

Un élu CSE peut continuer à télétravailler même sans clause spécifique dans son contrat, à condition que cela ait été précédemment toléré par l'employeur.

Une expertise peut être demandée même si elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour, à condition qu'elle soit liée à un point abordé.

Les frais de déplacement des représentants du personnel doivent être remboursés par l'employeur, même sans accord préalable, à condition que les déplacements soient raisonnables.

 
CES ARTICLES PEUVENT VOUS INTÉRESSER