Un rehaussement des seuils pour les CSE de 50 salariés. C’est ce que préconise le nouveau rapport parlementaire sur la simplification administrative.
La proposition du rapport parlementaire suggère que les entreprises de 11 à 50 salariés ne soient plus contraintes de former un CSE. Certaines obligations à partir de 50 salariés seraient quant à elles repoussées au seuil de 250, tandis que la mise en place du CSE resterait obligatoire.
L’objectif annoncé avec ce rapport : alléger les obligations et les difficultés rencontrées par les chefs d'entreprise de TPE et PME.
Qu’est-ce que cela signifie ? Quelles conséquences sur le dialogue social ? Et sur les salarié·es ?
Si bon nombre d’élus sont d’accord pour dire que les ordonnances Macron de 2017 ont déjà fortement altérer le dialogue social en entreprise, une perte des responsabilités renforcées pour les CSE de plus de 50 salariés pourrait l’achever. On vous explique pourquoi.
Réhaussement des seuils CSE : la fin de la BDESE (Base de Données Economiques Sociales et Environnementales)
Plus de BDESE dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés, voici déjà une première conséquence de ce rapport du parlement. Ce rapport propose également d'augmenter le seuil de déclenchement du renforcement des indicateurs de la BDESE de 250 à 1 000 salariés.
Bon à savoir
La BDESE est un outil numérique ou imprimé que l'employeur met obligatoirement en place dans les entreprises d'au moins 50 salariés. Elle contient des informations confidentielles sur l’entreprise. Mais les élus CSE ont accès à ces données. Cette analyse des données leur permet de défendre au mieux les droits des salariés. C’est par exemple le cas s’ils constatent des inégalités salariales entre femmes et hommes dans l’entreprise.
Voici quelques exemples d’informations qui figurent dans la BDESE :
- Montants des rémunérations des actionnaires
- Montant de la contribution employeur aux ASC du CSE
- Politique générale de l’entreprise en matière d'environnement, économie circulaire, changement climatique
- Index d’égalité femmes-hommes
- Evolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métier
Vous l’aurez compris, qu’il s'agisse des finances, des effectifs, des rémunérations, des politiques environnementales, ou autres, la BDESE fournit aux élus du CSE des données précises et complètes sur divers aspects de l'entreprise !
C’est un outil essentiel du dialogue social qui contient des informations cruciales sur la situation de l’entreprise et qui garantit donc aux élus un accès à l’information.
Les membres du CSE peuvent analyser ces informations pour comprendre la situation de l'entreprise et identifier d'éventuels problèmes ou enjeux. Cela leur permet d'engager un dialogue constructif avec la direction sur des questions telles que les conditions de travail, les rémunérations, les politiques sociales, etc.
Grâce à la BDESE, les élus du CSE peuvent mieux défendre les droits des salariés en s'appuyant sur des données concrètes. Par exemple, s'ils constatent des inégalités salariales ou des problèmes de santé et sécurité au travail, ils peuvent intervenir auprès de la direction pour trouver des solutions.
La fin de la BDESE dans les entreprises de moins de 250 salariés aura des implications importantes pour le dialogue social en entreprise et pour les salariés :
- Moins de transparence
La disparition de la BDESE signifie moins de transparence sur la situation de l'entreprise, ce qui pourrait compliquer le travail des élus du CSE et limiter leur capacité à défendre les droits des salariés.
- Affaiblissement du dialogue social
Sans accès aux informations fournies par la BDESE, les élus du CSE auront moins d'éléments pour engager un dialogue constructif avec la direction. Cela risque d'affaiblir le dialogue social en entreprise et de rendre plus difficile la résolution des conflits ou des problèmes.
- Risque pour les droits des salariés
La fin de la BDESE pourrait également compromettre les droits et les intérêts des salariés, en limitant la capacité des élus du CSE à identifier et à remédier aux problèmes liés aux conditions de travail, aux rémunérations, à l'égalité professionnelle, etc.
Le budget de fonctionnement supprimé dans de nombreux CSE
Le budget de fonctionnement supprimé dans de nombreux CSE
Pour de très nombreux CSE, ce rehaussement des seuils entraînera l'arrêt de l'attribution de la subvention de fonctionnement pour ses tâches économiques et professionnelles.
Cette mesure est assez étonnante lorsque l’on sait que les élus de CSE de taille modeste, déplorent déjà l'insuffisance de ces budgets de fonctionnement, puisque les sommes allouées ne suffisent pas à mener à bien l’étendue de leurs missions.
Bon à savoir Le budget de fonctionnement du CSE est une somme d’argent que l’employeur attribue obligatoirement au CSE d’entreprises d’au moins 50 salariés. Ce budget finance tout ce qui permet aux élus CSE d’être opérationnels dans leurs missions. Voici quelques exemples de dépenses financées grâce au budget de fonctionnement : Le Droit du Travail étant un domaine complexe, une assistance juridique CSE est particulièrement utile pour les élus. Il s’agit généralement d’un abonnement qui leur permet de poser toutes leurs questions juridiques, économiques ou sociales. Pouvoir subventionner une assistance juridique CSE, c’est par exemple bénéficier d’une aide à la (re)négociation d’un projet de rupture conventionnelle collective, d’une charte Télétravail, ou encore d’un congé de mobilité.
Pour les élus CSE (/le dialogue social) | Pour les salariés | Pour la performance globale de l'entreprise | |
Formation SSCT |
Connaissances des risques professionnels, capacité d’analyse des situations de travail, mise en place de mesures de préventions concrètes | Meilleure compréhension des documents économiques et financiers de l'entreprise, participation plus constructive aux négociations et aux discussions avec la direction | Augmentation de la productivité |
Formation économique |
Meilleure compréhension des documents économiques et financiers de l'entreprise, participation plus constructive aux négociations et aux discussions avec la direction |
|
Gestion plus efficace de l’entreprise, potentielle augmentation de la compétitivité et de la pérennité |
La fin de ce budget de fonctionnement aura donc un impact considérable sur le CSE ainsi que sur les salariés.
Bon à savoir
Le nouveau rapport parlementaire recommande également de rehausser de 50 à 250 salariés le dispositif du lanceur d'alerte.
Lire aussi : Les obligations comptables CSE
Perte de personnalité juridique du CSE : fin des consultations CSE, fin de la gestion des ASC
Perte de personnalité juridique du CSE : fin des consultations CSE, fin de la gestion des ASC
La perte de la personnalité juridique du CSE est une conséquence de ce rehaussement des seuils. Plus de consultation pour les CSE de moins de 250 salariés. Et plus de gestion des ASC. Ce sont d'autres conséquences des mesures évoquées dans le rapport.
Bon à savoir
La consultation CSE est une procédure qui a lieu lorsque l’employeur a pris certaines décisions et en fait part aux élus dans le but de recueillir leur avis sur le sujet.
On parle donc de consultation du CSE lorsque l’employeur échange avec les élus sur des décisions qui concernent l’entreprise et les salariés.
Ces décisions peuvent concerner les enjeux économiques, sociaux, stratégiques ou environnementaux de l’entreprise. Aussi, les consultations du CSE peuvent concerner la sécurité et les conditions de travail des salariés.
Durant ces consultations, l'employeur a l'obligation de fournir de nombreux documents aux élus CSE afin qu'ils puissent analyser les données, les décisions, et se faire un avis sur les meilleures décisions à prendre pour les salariés.
Avec le rehaussement des seuils, les entreprises de moins de 250 salariés ne seront plus tenues de consulter les élus sur certaines questions. Vous l’aurez compris, cela peut inclure des sujets tels que les licenciements économiques, les conditions de travail, les orientations stratégiques de l'entreprise, etc. Cette mesure impacte donc directement la représentation des salariés et la capacité des élus à prendre part aux décisions de l'entreprise.
La perte de la personnalité juridique du CSE a également des conséquences sur le pouvoir d’achat des salariés. En ayant sa propre personnalité juridique, le CSE pouvait gérer ses propres ressources financières et administratives de manière autonome. Cela lui permettrait de prendre des décisions stratégiques sur l'utilisation des fonds alloués aux ASC.
Bon à savoir
Pour rappel, les ASC, Activités Sociales et Culturelles, sont des initiatives mises en place par les entreprises afin d’améliorer la qualité de vie des salariés : billets de cinéma, chèques-vacances, voyages à prix réduits, tarifs réduits pour le spectacles ou parcs d'attractions…
Avec ce rehaussement des seuils, le CSE n’aura donc légalement plus le droit de gérer les ASC. Le rapport parlementaire ayant pour but la simplification administrative, il est compliqué d’imaginer que la gestion de ce budget soit transférée aux chef·fes d’entreprise.
Autrement dit, cette mesure risque d’avoir un impact considérable sur le pouvoir d’achat des salariés de TPE et PME.
Sans les ASC subventionnées ou organisées par le CSE, les salariés pourraient être contraints de payer intégralement le coût de certaines activités ou prestations dont ils avaient l'habitude de bénéficier à moindre coût grâce aux subventions du CSE (cinémas, activités sportives, musées…). Des conséquences indirectes sur le secteur du cinéma, des centres de vacances ou l’industrie des parcs à thèmes ne sont donc pas à exclure.
De plus, les avantages sociaux, y compris les ASC, contribuent à améliorer la motivation des salariés. Ils permettent de se sentir reconnus et récompensés par l’entreprise. La disparition de ces avantages pourrait donc également avoir un impact négatif sur la satisfaction au travail et donc sur les performances de travail.À retenir
Le rehaussement des seuils pour les CSE, tel que préconisé dans le rapport parlementaire, constitue une menace sérieuse pour le dialogue social en entreprise.
Il limite l'accès à des informations cruciales qui permettent d’échanger et de négocier avec l’employeur. La perte de personnalité juridique, la suppression des consultations CSE et les dommages causés sur le budget de fonctionnement et celui des œuvres sociales menacent le pouvoir d’achat des salariés ainsi que leurs conditions de travail. Pour l’avenir, une hausse des arrêts de travail est envisageable pour les salariés de TPE et PME.
“Le dialogue social n’est pas une simple contrainte administrative”, pour citer Julien Sportes, le président de Tandem expertise, qui a lancé une pétition sur le sujet.
Comme souvent lorsqu’on fragilise le dialogue social en entreprise, les effets délétères ne se répercutent pas uniquement sur les salariés mais également sur la performance globale de l’organisation.
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