La consultation du CSE est une obligation de l’employeur pas toujours facile à faire respecter
Votre employeur doit vous informer et vous consulter sur la marche de l’entreprise. Comment cela fonctionne-t-il ? quelle utilité peut avoir une consultation des représentants du personnel ? comment exprimer un avis motivé du CSE ?
1. L'employeur doit consulter votre CSE avant toute décision sur le marché de l'entreprise
Les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du CSE, c’est la règle depuis la loi du 16 mai 1946. La procédure de consultation doit impérativement se dérouler quand le projet n’a pas encore connu la moindre mise en œuvre.
C’est à l’employeur de mettre à l’ordre du jour d’une réunion plénière la consultation sur ce projet. L’ordre du jour de la réunion plénière concernée est trop souvent formulé sous la forme d’une « information/consultation » sur tel ou tel sujet. L’information et la consultation sont pourtant distinctes.
Cette expression, « information/consultation », n’est pas celle du code du travail et crée une ambiguïté car il n’est pas envisageable de décider à l’avance que l’information et la consultation vont se dérouler en même temps. Tant que le CSE n’a pas connaissance du projet pour lequel il va être consulté, il ne peut pas s’engager à donner un avis le jour même où il reçoit l’information.
La consultation est précédée par l’information du comité.
Cette première étape doit permettre aux membres du CSE de se préparer à donner un avis motivé sur le projet. Pour être en mesure de concevoir cet avis motivé, les élus doivent disposer d’informations précises et écrites.
Bon à savoir :
Le CSE dispose donc d’un délai d’examen qui démarre à la première réunion où le sujet de la consultation a été mis à l’ordre du jour.
Le CSE a un mois pour remettre son avis motivé (un accord d’entreprise peut allonger ou raccourcir les délais en matière de consultation).
Le CSE a deux mois pour remettre son avis motivé s’il a désigné un expert pour l’aider à comprendre les effets potentiels du projet.
Si le CSE estime que l’information est incomplète, il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Le juge a huit jours pour prendre sa décision. Cette action ne prolonge pas le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Mais dans le cas où les informations nécessaires pour rendre un avis motivé se sont pas fournies, le juge peut décider la prolongation du délai.
De notre point de vue et pour être pragmatique, il y a deux hypothèses principales possibles sur cette question de délai :
- Le CSE a besoin de temps pour digérer l’information, éventuellement discuter avec les salariés concernés et faire des recherches. Il prend le temps prévu par la loi pour formuler un avis motivé,
- Le CSE connait très bien le sujet, de nombreux débats dans l’entreprise ont déjà eu lieu, y compris entre élus, sur la nécessité de changer l’organisation du travail dans tel secteur par exemple, il peut donner son avis motivé au cours de la première réunion. Cela relève du choix du CSE.
Dans le cas d’une entreprise à plusieurs établissements et un comité central, s’il y a lieu de consulter à la fois un ou plusieurs comités d’établissement, les délais indiqués ci-dessus s’appliquent au comité central. Le ou les comités d’établissements doivent fournir leur avis au plus tard 7 jours avant la réunion du comité central qui doit remettre son avis motivé.
2. Qu'est-ce qu'un avis motivé du CSE à l'issue de la consultation ?
L’employeur doit, de son côté, répondre de façon motivée aux remarques ou questions des élus dans le cadre de la consultation en cours. Le CSE formule un avis motivé à l’issue de la consultation.
Le CSE n’ayant pas de droit de veto sur les décisions de l’employeur, donner un avis favorable ou défavorable ne présente aucun intérêt. Le CSE n’ayant pas la possibilité d’empêcher l’employeur de mettre en œuvre sa décision.
Le code du travail fournit sur ce sujet un contenu contradictoire :
- Le concept ancien d’avis motivé y est toujours considéré comme l’aboutissement de la consultation du CSE dans le code du travail,
- Mais la loi Travail du 8 août 2016, confirmée en ce sens par les ordonnances du 22 septembre 2017, a ajouté dans le code du travail une notion plutôt ridicule qui dit que si le CSE ne remet pas d’avis dans les délais prévus (selon les cas, un ou deux mois), l’avis du CSE est réputé négatif. Pourquoi négatif ? A quoi sert cette notion ? A rien puisque de toute façon le CSE n’a pas de droit de veto. On aurait pu dire tout simplement que si le CSE ne fournit pas d’avis motivé dans les délais prévus, l’employeur est réputé avoir consulté le CSE. Ce qui est pareil, mais ne donne pas cet aspect scolaire à un avis soi-disant négatif.
Le CSE, s’il consacre du temps à préparer la consultation, peut apporter un avis différent de ceux qui entourent l’employeur parce que les élus parlent d’un point de vue différent : ils ont les mains dans le cambouis, ils sont représentants du personnel, de ceux qui vivent chaque minute la réalité du terrain.
Un CSE intelligent travaille, enquête, analyse et écoute les salariés pour formuler un avis motivé.
Le dirigeant représente les intérêts de l’actionnaire (ou les objectifs de l’institution dans une entreprise à but non lucratif), les membres du CSE représentent les intérêts du personnel. Ces points de vue se trouvent pour que l’entreprise réussissent et se séparent quand il s’agit de discuter du partage de la richesse créée, c’est la nature de l’entreprise dans le système économique actuel.
Mais si les salariés ne sont pas motivés, intéressés et heureux dans leur travail, l’entreprise est moins performante, c’est une constante.
Par ailleurs, il n’y a pas de honte à fournir comme avis motivé que les élus n’ont pas d’opinion compte tenu de la nature du sujet présenté. Il vaut mieux se taire que confondre le CSE avec le café du commerce.
En adoptant un avis motivé, le CSE prend date. Il doit suivre la mise en œuvre du projet pour lequel les élus ont été consultés au fur et à mesure.
Trois mois, six mois, un an ou deux ans après, quand le projet est devenu la réalité quotidienne, le secrétaire du CSE doit remettre le sujet à l’ordre du jour, reprendre l’avis motivé que le CSE avait adopté et tirer un bilan de la mise en œuvre du projet pour lequel il avait été consulté. Et, selon les cas :
- Reconnaitre ce qui s’est bien passé, pointer ce qui s’est passé différemment de ce qui était prévu dans le projet de l’employeur,
- Admettre que, en tout ou partie, ce qui paraissait inquiétant voire dangereux ne s’est pas observé comme tel,
- Au contraire, montrer à quel point ce qui était cité comme inquiétant voire dangereux s’est réalisé.
C’est aussi à ce prix-là qu’un dialogue social constructif est envisageable. C’est à ce prix-là que les représentants du personnel peuvent montrer que les consulter a un sens et une utilité.
Un exemple : il était une fois un GIE (entreprise qui appartient conjointement à d’autres entreprises et dont les dirigeants ne sont pas propriétaires). Il y avait un seul syndicat dans cette entreprise, pas oppositionnel par principe.
Les dirigeants du GIE estimaient qu’ils avaient besoin du soutien du CE pour faire passer leur projet de réorganisation de l’entreprise auprès du conseil d’administration.
Le CE venait de faire une formation au cours de laquelle ils avaient pris conscience que donner leur avis au terme de la consultation ne consistait pas à dire si on est pour ou contre le projet mais rédiger un avis motivé. Les élus du CE rédigèrent donc un avis d’une page qui détaillait ce qui était positif dans le projet, ce qui était discutable et ce qui ne pouvait pas fonctionner, en justifiant avec précision chaque élément.
La DRH voulait absolument que le CE donne un avis pour ou contre et savait qu’entre favorable et défavorable, le CE serait plutôt favorable. Elle affirma que la loi prévoit seulement que le CE doit indiquer s’il est pour ou contre le projet comme venait de lui confirmer, soi-disant, l’avocat du GIE.
Elle baissa pavillon quand le secrétaire du CE lui demanda de présenter un article de loi ou une jurisprudence pour prouver son affirmation… et le CE adopta son avis motivé, ce qui obligea le comité de direction à revoir son projet.
3. Synthèse
La consultation du CSE est non seulement obligatoire mais indispensable pour permettre au dirigeant de l’entreprise d’entendre d’autres suggestions, remarques ou d’éventuelles critiques que celles que peuvent émettre les cadres er experts qui l’entourent en écoutant aussi la voix des salariés expression de leur expérience quotidienne.
Une consultation utile impose aux membres du CSE de préparer l’avis motivé qu’ils doivent formuler à l’issue de la consultation. Cette préparation prend du temps, notamment quand il n’y a pas d’élu qui travaille dans le secteur concerné par le projet de l’employeur et nécessite recherches et discussions entre les élus.