Obligatoire depuis 1967, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise doit faire l’objet d’un accord collectif de travail, dans l’entreprise ou le groupe. A quoi sert cet accord, puisque la participation est obligatoire ? Qui peut signer un tel accord dans l’entreprise ? Quand aucun accord n’a été signé que se passe-t-il ? Eclairons ce sujet.

 

Origine de la participation

 

Comme nous l’avons exposé dans notre article sur l'intéressement, c’est le Général De Gaulle qui, dès son élection en tant que Président de la République le 21 décembre 1958, a mis en place par une ordonnance du 7 janvier 1959 la possibilité pour les employeurs et les syndicats de l’entreprise de signer un accord d’intéressement afin que les salariés reçoivent une part du bénéfice produit par leur travail.

Mais les entreprises n’ont pas massivement adhéré à cette idée. De son côté, la CGT, syndicat largement majoritaire à l’époque y était peu favorable du fait de l’absence de cotisations sociales alimentant la retraite, les Indemnités Journalières de la sécurité sociale et le calcul des indemnités chômage.

C’est pourquoi, toujours sous l’autorité du Général De Gaulle, réélu au suffrage universel Président de la République le 19 décembre 1965, une ordonnance institua l’obligation d’une participation des salariés aux résultats de leur entreprise.

 

Extrait de cette ordonnance 67-693 du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises :

« Sans doute l’ordonnance du 7 janvier 1959 avait-elle prévu un certain nombre de dispositions en faveur des entreprises appliquant à titre facultatif un système d’intéressement ; mais il est maintenant indispensable que l’association des travailleurs à l’expansion et à la répartition de ses fruits prenne un caractère obligatoire. »

Cette introduction de l’ordonnance reconnaissant, en quelque sorte, que l’ordonnance de janvier 1959 sur l’intéressement n’avait pas été suivie de nombreux accords dans les entreprises.

 

L’ordonnance de 1967 donne à la création de la participation deux objectifs :

  • Permettre aux salariés de bénéficier des résultats de leur entreprise,
  • Développer l'épargne salariale qui encourage les salariés à mettre de l’argent de côté et doit permettre aux entreprises d’investir.

 

L’ordonnance de 1967 rend obligatoire la participation dans les entreprises de 100 salariés et plus.

C’est en 1990 que la participation devient obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus.

En 2020, 61 % des salariés des entreprises de 50 salariés et plus ont perçu une participation au titre de l’exercice 2019.

 

Depuis 1967, les entreprises et les syndicats et/ou le CSE disposent donc de deux systèmes permettant aux salariés de percevoir une rémunération complémentaire au salaire : l’intéressement et la participation.

 

Définition de la participation

La participation est obligatoire pour l’entreprise qui a eu pendant cinq ans consécutifs, chaque mois, au moins 50 salariés en équivalent temps plein. La participation s’applique donc pour la première fois sur le sixième exercice comptable (L3322-1).

 

La participation résulte d’une formule légale de calcul, mise en œuvre à la fin de l’exercice comptable de l’entreprise.

La base de la participation est le bénéfice du compte de résultats de l’année précédente. Sans bénéfice, pas de participation.

 

Cette formule indiquée dans le code du travail peut être remplacée par un autre mode de calcul. Celui-ci doit apporter au moins la même somme ou plus à partager entre les salariés. Cette situation est rare, surtout quand un autre mode de calcul donne plus que la formule légale.

 

L'employeur présente, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport devant le CSE (D3323-13).

Ce rapport comporte notamment :

  • Les éléments servant de base au calcul du montant de la participation des salariés pour l'exercice écoulé,
  • Des indications précises sur la gestion et l'utilisation des sommes affectées à la participation.

 



 

Mode de calcul de la participation


Voici, tout d’abord, les éléments comptables du compte de résultat de votre entreprise qui entrent dans la formule de calcul de la participation :

  • B : Bénéfice = bénéfice net après l’impôt sur les sociétés,
  • V : Valeur ajoutée = addition des charges de personnel + impôts et taxes sauf taxes sur le chiffre d’affaires + charges financières + dotation aux amortissements + dotation aux provisions (sauf dotations pour charges exceptionnelles) + résultat courant avant impôts,
  • S : Salaires = charges de personnel,
  • C : Capitaux propres = capital + réserves obligatoires + bénéfices conservés par l’entreprise car non versés aux actionnaires (les capitaux propres sont indiqués dans le bilan en haut de la page « passif »).

 

La formule légale de calcul de la participation (L3324-1) est la suivante : [½ (B – 5 % C)] x [S/V].

 

Il faut noter quelles sont les conséquences du « moins 5 % des capitaux propres » dans la formule de calcul de la participation. En effet, quand l’entreprise verse peu, voire pas du tout, du bénéfice net après impôt en dividende aux actionnaires, elle conserve dans ses comptes (dans les capitaux propres) cette part qu’elle ne leur verse pas. Cela augmente mécaniquement les capitaux propres.

Exemple et conséquences :

  • En 2021, l’entreprise a fait un million de bénéfice net après impôt et a versé ce million en dividende aux actionnaires, les capitaux propres ne changent pas, la participation est plus élevée,
  • En 2022 l’entreprise a fait encore un million de bénéfice net après impôt mais n’a pas versé de dividendes aux actionnaires, les capitaux propres augmentent d’un million. La participation est plus faible qu’en 2021.

 

Dit plus simplement : quand les actionnaires touchent des dividendes, la participation des salariés est plus élevée, quand les actionnaires touchent moins voire pas du tout de dividendes, la participation des salariés est moins élevée.

Le plafond que peut percevoir un salarié est de 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (46 368 € en 2024), soit 34 776 € en 2024.

 

Information de chaque salarié sur le versement de sa participation

Chaque salarié reçoit une fiche distincte du bulletin de paie qui contient (R3323-16) :

  • Le montant total de la participation pour l'exercice écoulé,
  • Le montant des droits attribués à l'intéressé,
  • La retenue opérée au titre de la CSG et de la CRDS,
  • S'il y a lieu, l'organisme auquel est confiée la gestion de ces droits (voir article Plan d’Epargne Entreprise),
  • La date à partir de laquelle ces droits sont négociables ou exigibles.
  • Les cas dans lesquels ces droits peuvent être exceptionnellement liquidés ou transférés avant l'expiration de ce délai (liste détaillée dans l’article sur le Plan d’Epargne Entreprise).
  • Les modalités d'affectation par défaut, entre autres au PERCO, des sommes attribuées au titre de la participation.

Elle comporte également, en annexe, une note rappelant les règles de calcul et de répartition prévues par l'accord de participation.

Sauf opposition du salarié concerné, la remise de cette fiche distincte peut être effectuée par voie électronique, dans des conditions de nature à garantir l'intégrité des données.

 

Afin de vérifier le calcul de la participation, le CSE peut désigner un expert-comptable, rémunéré par l’entreprise. Nous recommandons de désigner un expert spécialisé auprès des CSE.

 

SolutionsCSE - Negocier un accord de participation


Contenu d'un accord d'entreprise sur la participation

 

Pour conclure un accord d’entreprise (il n’y a pas d’accord de participation par établissement), trois possibilités différentes :

  • Un accord est signé entre l’employeur et les syndicats représentatifs,
  • Un accord est signé entre l’employeur et le CSE (qu’il y ait un syndicat représentatif ou pas),
  • Un référendum est organisé auprès des salariés, avec une ratification à la majorité des 2/3, pour un texte proposé conjointement par l’employeur et au moins un syndicat représentatif ou bien par l’employeur et le CSE.

 

Il n’y a donc que très rarement de négociation sur la formule de calcul, compte tenu que cette formule est, à minima celle du code du travail.

Le contenu de la négociation consiste, en conséquence, à déterminer essentiellement le mode de distribution entre les salariés.

 

En tant que négociateur au nom des salariés, vous avez trois positions possibles pour le mode de distribution de la participation :

 

  • Vous considérez que les différences de salaires doivent se retrouver dans la distribution de la participation. La répartition est donc différente entre les salariés selon leur rémunération habituelle,
  • Vous considérez que les cadres comme les non cadres vont partager l’effort permettant d’obtenir une participation par leur travail. Les différences de salaires existent en fonction du degré de compétence de chaque catégorie de salariés. La participation est obtenue en fonction d’un effort de chacun. Faire un effort n’est pas une compétence, mais une volonté professionnelle. Vous souhaitez donc que la répartition de l’intéressement soit uniforme.
  • Vous souhaitez un mélange des deux positions, en partie proportionnelle aux salaires, en partie uniforme.

 

Vous pouvez intégrer dans ce mode de distribution un critère de présentéisme :

  • De trois mois d’ancienneté au maximum pour l’année du recrutement du salarié,
  • En fonction du nombre de jours de travail dans l’année considérée.

 

Sont considérés, de droit, comme des jours travaillés :

  • Congé maternité,
  • Congé d’adoption,
  • Congé de deuil (L3142-1-1),
  • Congé pour accident du travail ou maladie professionnelle,
  • Quarantaine selon le code de la santé.

 

L’accord peut allonger cette liste.

 

La participation peut être perçue l’année de son calcul, le salarié a quinze jours pour le demander sur tout ou partie de la participation à laquelle il a droit dès que l’entreprise l’informe du montant attribué. L’accord peut limiter ce droit du salarié.

La participation est placée pour 5 ans, à défaut d’une telle demande de versement immédiat, dans un plan d'épargne entreprise (PEE) qui fait l’objet d’une négociation distincte.

L’accord défini aussi les modalités d’information des salariés sur l’accord de participation.

 

Cette information définit notamment (R3324-21-1) :

  • Les sommes attribuées au titre de la participation,
  • Le montant que le salarié peut demander de recevoir en tout ou partie,
  • Le délai dans lequel il peut formuler sa demande.

 

Cette somme demandée est versée au plus tard le 31 mai (pour un exercice comptable en année calendaire).

 




En l'absence d'accord sur la participation

L’accord, une fois signé, est transmis à la direction du travail.

 

Lorsque, dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice comptable au titre duquel sont nés les droits des salariés, un accord de participation n'a pas été conclu, cette situation est constatée par l'inspecteur du travail.

 

Les sommes (si les résultats de l’exercice comptable l’indiquent) que l’entreprise aurait dû verser au bénéfice des salariés sont placées et bloquées sur un compte courant pendant 8 ans. Un salarié ne peut débloquer tout ou partie de ces sommes qu’en fonction des dérogations définies à l’article R3324-22 et développées dans notre article sur le plan d’épargne entreprise.

L’entreprise doit rémunérer ces comptes courants à un taux fixé par le ministère de l’économie.

L’entreprise ne peut pas bénéficier de l’allègement d’impôt prévu pour une provision d’investissement (L3325-3).

 

En quelque sorte, la loi « punit » l’employeur d’un côté (rémunération du compte courant à des intérêts plus élevés, allégement fiscal refusé), les salariés de l’autre (participation bloquée pendant 8 ans au lieu de 5 ans, pas de versement immédiat possible).

Donc, signer un accord, c’est mieux !

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Exonérations de cotisations et de charges sociales

 

Les exonérations de cotisations et de charges sociales sont conditionnées au dépôt de l’accord signé auprès de la Direction du travail.

 

Exonération de cotisations sociales pour le salarié :

  • La participation n’est pas assimilée à du salaire, le salarié ne paie donc aucune cotisation sociale sur la somme qu’il reçoit à ce titre. Cela veut aussi dire que si la participation lui apporte un revenu complémentaire, ce revenu ne compte pas pour le calcul de sa retraite,
  • Quand le salarié demande le versement immédiat de la somme perçue au titre de la participation, ce revenu complémentaire est imposable au titre de l’impôt sur le revenu,
  • Quand le salarié épargne la somme perçue au titre de la participation sur un plan d’épargne salariale, il n’est pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu,
  • La participation, dans les deux cas, est soumise à la CSG et la CRDS, sans l’abattement de 1,75 % appliqué d’habitude au salaire, (voir notre article sur la feuille de paie).

 

Exonération de charges sociales pour l’employeur :

  • La participation n’étant pas assimilée à du salaire, l’employeur ne paie donc aucune charge sociale classique (celles qu’il paie sur le salaire). Dans les charges patronales classiques il y a notamment la retraite, la sécurité sociale maladie et pôle emploi. La participation ne compte donc pas pour le calcul de la retraite, ni des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ni pour les allocations chômage du salarié.

 

L’employeur de 50 salariés et plus paye comme seule charge sociale sur la participation un « forfait social » de 20 % sur les sommes versées au titre de la participation.

Un employeur d’une entreprise de moins de 50 salariés peut mettre en place, volontairement, une participation au bénéfice des salariés. Il n’est alors pas assujetti au « forfait social » de 20 %.

 

À retenir

  

La participation est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus. Signer un accord n’est pas obligatoire (contrairement à l’intéressement) mais fortement recommandé, à défaut salariés et employeur sont défavorisés par la loi. La participation est une rémunération aléatoire dans son montant en fonction du montant du bénéfice de l’entreprise.

 

 
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